De Bergson, L'évolution créatrice:
Les
philosophes ne se sont guère occupés de l'idée de néant. Et pourtant
elle est souvent le ressort caché, l'invisible moteur de la pensée
philosophique. Dès le premier éveil de la réflexion, c'est elle qui
pousse en avant, droit sous le regard de la conscience, les problèmes
angoissants, les questions qu'on ne peut fixer sans être pris de
vertige. Je n'ai pas plutôt commencé à philosopher que je me demande
pourquoi j'existe; et quand je me suis rendu compte de la solidarité
qui me lie au reste de l'univers, la difficulté n'est que reculée, je
veux savoir pourquoi l'univers existe; et si je rattache l'univers à un
Principe immanent ou transcendant qui le supporte ou qui le crée, ma
pensée ne se repose dans ce principe que pour quelques instants; le
même problème se pose, cette fois dans toute son ampleur et sa
généralité: d'ou vient, comment comprendre que quelque chose existe?
Ici même, dans le présent travail, quand la matière a été définie par
une espèce de descente, cette descente par l'interruption d'une montée,
cette montée elle-même par une croissance, quand un Principe de
création enfin a été mis au fond des choses, la même question surgit:
comment, pourquoi ce principe existe-t-il, plutôt que rien?
That is the question.
—oOo—
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