sábado, 7 de mayo de 2011

Notes sur L'Ordre du Discours


Notes sur Michel Foucault, L'Ordre du Discours. Leçon inaugurale au Collège de France, prononcée le 2 décembre de 1970. Paris: Gallimard, 1981. (Voir ici une outline in English).


7-8- Foucault commence par commenter sur le contexte de son propre discours, la peur de parler, le contexte institutionnel. Il s'oppose aux automatismes qui nous mènent à laisser le discours parler à travers nous (comme dans L'Innommable de Beckett).
9- Le désir voudrait un discours transparent, qui nous porte, pas un ordre hasardeux.
D'autre part il y a les institutions, qui dominent le discours par l'acte même de lui faire une place.
10- Mais le discours a un pouvoir a un pouvoir subversif, malgré le désir et les institutions. Donc,
10-11- "Je suppose que dans toute société la production du discours est à la fois contrôlée, sélectionnée, organisée et redistribuée par un certain nombre de procédures, qui ont pour rôle d'en conjurer les pouvoirs et les dangers, d'en maîtriser l'événement aléatoire, d'en esquiver la lourde, la rédoutable, matérialité".




A) Procédures d'exclusion:

1) L'interdit. 
On peut interdire l'objet du discours, le sujet, ou la circonstance. La sexualité et la politique sont exclues,
12- mais elles prolifèrent dans le discours au lieu de s'y éteindre. Le discours est aussi un objet de désir, un pouvoir duquel s'emparer, pas un simple moyen.

2) Le partage / rejet (une opposition "à terme exclu").
13- Le cas du fou-sage à discours d'une circulation étrange:
14- on ne lui prête la parole qu'au théâtre.
14-15- Aujourd'hui le même partage joue autrement.

3) L'opposition vrai / faux
16- La volonté de savoir est régie par un système d'exclusion. L'ancient discours de la vérité chez les Grecs ancients avait un caractère [performatif];
17- mais au Vème siècle a.C., le discours de la vérité devient sémantique: la vérité se déplace de l'acte vers l'énoncé. C'est l'origine de la volonté de savoir, en opposition aux sophistes.
18- Il y a des changements dans la volonté de vérité, qui ne sont pas troujours dûs à une découverte. Vers 1600, c'est la naissance de la mensuration (les classifications en Angleterre, etc.
19- —c'est le technicisme-positivisme). La volonté de savoir a sa propre histoire qui n'est pas celle des vérités contraignantes. Délimitation de méthodes, d'objets de savoir... Il y a des pratiques institutionnelles qui la soutiennent, parmi elles l'usage du savoir.
20- Il y a une pression de cette "vérité" sur les autres discours (la littérature réaliste, sincère, etc.).
21- et le code penal se fondemente sur la psychologie, la psychiatrie, etc.
Les procédés d'exclusion (1) et (2) dérivent vers (3): ils deviennent plus fragiles tandis que (3) croît.
22- Mais (3) est masqué: il ignore nécessairement ses liens avec le désir et le pouvoir.
23- Chez Nietzsche, Artaud, Bataille, on voit une volonté de vérité en opposition à la vérité.

B) Procédures internes

Autres procédés du contrôle du discours sont internes: des principes d'ordre des discours mêmes:

4) Le commentaire.-
24- c'est à dire le commentaire des textes privilégiés qui se conservent (religieux, juridiques, littéraires ou scientifiques).
25- Cette hiérarchie se soutient toujours, celle qui oppose le texte vraiment originel et les commentaires de l'autre—malgré les brouillements. Borges et d'autres suppriment un des termes, mais pas le rapport lui-même.
27- "Le commentaire n'a pour rôle, quelles que soient les techniques mises en œuvre, que de dire  enfin ce qui était articulé silencieusement là-bas"
27-28- "Le commentaire conjure le hasard du discours en lui faisant la part: il permet bien de dire autre chose que le texte même, mais à condition que ce soit ce texte même qui soit dit en en quelque sorte accompli"

5) L'"Auteur" (comme principe de groupement du discours, comme unité et origine de leur signification, comme foyer de la cohérence) est un autre "principe de raréfaction" d'un discours.
29- Le nom de l'auteur a une valeur différente dans le discours scientifique et dans le discours littéraire: ces deux types de discours ont échangé leur foi en l'auteur depuis le Moyen Âge.
30- "L'auteur est ce qui donne à l'inquiétant langage de la fiction, ses unités, ses nœuds de cohérence, son insertion dans le réel".
31- L'individu réel reçoit son comportement de la fonction-auteur telle qu'elle est définie par son époque, "ou telle qu'à son tour il la modifie". "Le commentaire limitait le hasard du discours par le jeu d'une identité qui aurait la forme de la répétition et du même. Le principe de l'auteur limite ce même hasard par le jeu d'une identité qui a la forme de l'individualité et du moi". (Sur la "fonction-auteur" et ce principe de contrainte et production, il faut bien sûr complémenter ce que Foucault dit ici avec son article "Qu'est-ce qu'un auteur?").

32- 6) Principe des disciplines.
Il s'agit d'un système anonyme, en opposition à (4) et (5). Il y a une nécessité de formules indéfiniment, de propositions nouvelles.
33- La discipline définit le type de discours sur son objet qui deviendra partie de la discipine (pas n'importe lequel).
34- P. ex. la botanique au XVIIIe siècle n'inclut plus les valeurs symboliques del plantes dont elle s'occupait également avant, par ex. au XVIe siècle. Les disciplines ont des horizons théoriques. (Voir sur ce point les analyses de Foucault dans L'Archéologie du savoir, ou Les mots et les choses).
36- Pour être reconnu comme tel par une discipline, pour être vrai ou faux, un discours doit être "dans le vrai". La discipline est aussi un principe de contrôle de la production de discours; elle fixe des limites.
38- La discipline est un élement de contrainte pour le discours, et à la fois un élement de fécondité. Mais voyons un autre type de principes liés à ces contraintes:

39- C) L'accés au discours, p.ex.

7)
La Qualification du Sujet Parlant
pour entrer dans l'ordre du discours.
41- Le rituel définit la qualification, les signes qui doivent accompagner le discours.

8) Les sociétés de discours
qui conservent les discours en les faisant circuler dans un espace fermé.
42- L'acte d'écrire et de publier est aujourd'hui une société de discours contraignante.
43- La littérature, les secrets techniques ou scientifiques, posent leurs contraintes.

9) Les doctrines
44- d'un groupe, mais par contre, elles tendent à se diffuser, et à devenir contraignantes:
45- "l'hérésie et l'orthodoxie ne relèvent point d'une exagération fanatique des mécanismes doctrinaux; elles leur appartiennent fondamentalement". La doctrine est un moyen de lier les individus à des certains types d'énonciation. Mais c'est aussi une énonciation qui sert de signe pour lier des individus (un double assujettissement).

10) Les appropriations sociales des différents discours.
46- Par exemple à travers les systèmes d'éducation. On y trouve, tous mélangés, tous les types d'assujettissement du discours. (Il faudrait ajouter à l'analyse de Foucault sur ce point ce qui'il a noté avant, c'est à dire, que les institutions contrôlent et guident le discours, mais aussi elles lui permettent d'avoir lieu, c'est à dire, ce sont aussi des procédés pour la prolifération et la production du discours, voire des conditions de possibilité).

48- Les solutions proposés par la philosophie: la vérité idéale comme loi du discours, la rationalité immanente comme principe de déroulement du discours, le "désir de la vérité elle-même" et le "pouvoir de la penser". C'est un discours dissimulé dans l'Occident: on le présente comme le simple rêvetissement de la pensée par la parole, ou un effet de langue. (Ici il faudrait penser à l'analyse du "logocentrisme" selon Derrida, selon qui la tradition philosophique occidentale voudrait présenter l'idéalité de la pure présence de la pensée ou du sens sans reconnaître la matérialité du signe qui la véhicule ou articule). Il y a donc une élision de sa réalité, par de procédés divers:

49- a) au moyen du thème du sujet fondateur, qui se manifeste sans passer par l'instance de discours.

b) Ou bien au moyen de l'expérience originaire,
50- une expérience qui suppose l'existence de significations préalables dans le monde, dont le discours serait une discrète lecture. (On devine ici une critique de Foucault à l'approche à la signification selon Heidegger).

c) "Ou au moyen de l'universelle médiation, où tout est aparemment discours et concept, mais le discours repose sur la conscience de soi".

(a)= écriture; (b)= lecture; (c)= échange; les trois ne mettent en jeuqu les signes; il y a une souveraineté du signifiant.
52- Il y a une particulière logophilie de notre civilisation, dûe à une crainte de l'incontrollabilité du discours; donc, en réalité, une logophobie.
53- Cela mérite une analyse; il faut "remettre en question notre volonté de vérité; restituer au discours son caractère d'événement; lever enfin la souveraineté du signifiant". La méthode serait

- un renversement de la tradition d'analyse:
54- Pour Foucault, ce qui est valorisé comme créateur et fecond ou idéal est suspect.

- une discontinuité: contre l'idéalisatión des discours refoulés; les discours sont des pratiques discontinues qui se croisent ou s'ignorent.

55- - une spécificité: contre le mythe qui consiste à croire qu'on déchiffre une signification préalable. On doit concevoir le discours comme une violence faite aux choses; le monde n'est pas discursif.

- une extériorité: il faut analyser les conditions externes de possibilité des discours:
56- "elles s'opposent, on le voit, terme à terme; l'événement à la création, la série à l'unité, la régularité à l'originalité, et la condition de possibilité à la signification".

Contre les notions prévalentes d'origine et d'essence.
57- L'histoire aujourd'hui ne se détourne pas de l'étude de l'événement; elle en élargit plutôt le champ—conçoit de nouveaux ensembles.
58- On circonscrit la condition de l'événement, mais cette notion n'est pas encore structurale, elle relève de la tradition positiviste.
59- L'événement a lieu dans le matériel, comme une relation ou sélection d'éléments matériels.
60- Foucault note la nécéssité d'un matérialisme de l'incorporel, d'étudier les événements discursifs. Les séries d'événements discursifs sont hétérogènes parce que les discours laissent le sujet et l'instant en une pluralité de positions et de fonctions possibles.
61- Aléa comme catégorie nécessaire, contre le principe d'une causalité mécanique. Le hasard, le discontinu et le matériel sont à la racine de la pensée; on essaie de les conjurer "en racontant le déroulement continu d'une nécessité idéale" (Il y a ici une certaine critique de la narrativisation, de la construction d'histoires "bien faites" après coup. Voire nos critiques à la distortion rétrospective telle qu'on l'aperçoit à l'œuvre dans la théorie et la critique).
62- Foucault propose de lier l'histoire à la pratique des historiens. (C'est en quelque sorte le projet des matérialisme culturel aux pays anglo-saxons; voir par exemple Materialist Shakespeare, de Dollimore et Sinfield). Dorénavant, Foucault propose deux types d'analyse:  (a) critique, (b) généalogique.

63- (a) Analyse critique, (choix de la verité, contre les sophistes) acheminé à
(1) une analyse des fonctions d'exclusion (par exemple, folie vs. raison, la sexualité et son évolution...) (Ici Foucault nous renvoie implicitement à ses propres analyses soit passés, dans L'histoire de la folie, ou futurs, l'Histoire de la sexualité; on voit que "L'Ordre du discours" esquisse tout un programme critique dans lequel s'insère l'ensemble de l'œuvre de Foucault).
(2) une analyse de la naissance des sciences du regard.
(3) une étude des grands actes fondateurs de la science moderne au XIXe siècle, les idéologies positivistes:
65- ce sont "trois étapes de notre philistinisme". Une étude des expertises "scientifiques" qui appuient le code pénal. Dans cette direction, il faut appliquer l'étude des procédures de limitation du discours (l'auteur, le commentaire, la discipline)—par exemple dans l'histoire de la médicine.
66- Ou étudier la naissance de l'idéologie de l'auteur et de l'œuvre en littérature, en déplaçant
67 "les procédés de l'exégèse religieuse, de la critique biblique, de l'hagiographie... de l'autobiographie et des mémoires..." Une étude du rôle de Freud dans la psychanalyse, etc.

68- (b) Analyse généalogique, qui n'est pas séparable de l'analyse critique: "toute tâche critique, mettant en question les instances du contrôle, doit bien analyser en même temps les singularités discursives à travers lesquelles elles se forment".
69- Il y a néanmoins une différence de perspective.
70- Chaque série de discours a sa forme de régularité, et la constitution d'un nouveau système à partir des anciens n'est pas suivie.  (Ici il faut renvoyer à la notion d' épistéme expliquée par Foucault dans Les Mots et les Choses, ou encore à la notion tout proche de l'analyse structurale des révolutions scientifiques dévelopée par T. S. Kuhn).

71- L'approche critique (a) étudie les principes de contrôle des discours; l'approche généalogique (b), la formation des domaines d'objets au moyen du discours, la genèse de la possibilité de la vérité.
72- Rareté et affirmation du discours a la fois, mais pas l'universalité d'un sens: il n'y a pas de monarchie du signifiant et en ce sens il n'y a pas de "structuralisme" dans l'approche de Foucault.

73- Les modèles on les trouve chez Dumézil, dans sa supération de l'exégèse traditionnelle et du formalisme linguistique au moyen des comparaisons, dans ses études sur la transformation des discours et de leurs rapports à l'institution. Chez Canguilhem, dans ses études de l'histoire de la science,
74- il étudie la science comme une histoire des modèles et d'instruments conceptuels, pas comme une chronique. 75- Chez Jean Hyppolite, un hégelien qui nous permettra d'échapper à Hegel en mesurant notre dette.
76- Y a-t-il la possibilité d'une philosophie non hégelienne?
77- La philosophie est conçue par Hyppolite comme un processus, toujours en interrogation.
78- Elle est en contact mobile avec la non-philosophie, les autres disciplines du savoir (—la psychanalyse, les mathématiques...)
79- Chez Hyppolite on trouve l'étude des fondements du discours philosophique et de sa structure formelle: on affronte le problème de la philosophie,
80- le problème d'un discours aux prétensions d'absolu qui vient cependant d'un sujet particulier et localisé.
Et avec cet hommage ému à son maître Hyppolite, Foucault clôt son discours sur le discours, à la fois universel et localisé lui aussi.
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On trouve une édition anglaise de cet essai, "The Order of Discourse", dans le recueil de Robert Young
Untying the Text: A Post-structuralist reader (Londres: Routledge, 1981). Voici quelques propos de Young sur le texte de Foucault:

48- C'est pour Foucault une autocritique, une réflexion sur son propre évolution d'une "archéologie" à une "cartographie" aux conséquences politiques plus directes. Les pratiques discursives délimitent des champs d'objets et les perspectives du sujet du savoir fixent les normes pur les concepts et les théories. Il est impossible de penser hors des limites qui leurs sont tracés (ce serait la folie). Donc le savoir, la connaissance, est liée à des questions de pouvoir et de domination.

49- Le discours se définit comme un jeu entre le désir et les institutions (qu'on pourrait comparer au jeu entre le moi et le id. L'analyse sépare les deux. Il y a des procédés pour la domination du discours: l'exclusion et prohibition, et des principes restrictifs— la raréfaction, les disciplines. On impose des rôles pour l'usage du discours. Foucault s'oppose à la notion d'un sujet ou une expérience fondationnels, originaires, en herméneutique ou en phénoménologie.

50- Il s'oppose au néo-hégelianisme, et aussi à la réduction des pratiques discursives à des traces textuelles (c'est l'approche de Derrida). Il prône un renversement: la folie mine la philosophie et la pensée. Foucault veut traiter les discours comme des phénomènes discontinus, sa pensée s'oppose à la présupposition d'une unité dans les œuvres, dans les périodes... Il paraît impliquer un puissant déterminisme ici; plus tard il mettra l'accent sur la possibilité de résistance.

51- Comme on peut lire dans son
Histoire de la Sexualité, le discours transmet et produit le pouvoir; il le renforce, mais aussi il le mine et l'expose, le rend fragile, et il ouvre la possibilité d'en frustrer les desseins.





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