Staline est le génie qui a su pousser jusqu'au terme de son destin messianique le peuple russe. L'U.R.S.S. a été et n'est avant tout qu'un vaste impérialisme, depuis son origine même, ou peu s'en faut. Le marxisme, avec tous ses ressorts mystiques et économiques, lui a servi à établir l'unité politique du pays, que les Tzars ne surent point créer par l'autocratie et la religion. Contre l'incapacité de la démocratie de Kerensky, le communisme russe a triomphé, en contradiction flagrante avec les canons fixés par Marx, sans que se soient posées aucunes des conditions ou des circonstances qu'il avait prévues, car, la Russie étant, au dernier temps des Tzars, le pays industriellement le plus arriéré d'Europe, le phénomène de la concentration ouvrière ne s'y était encore produit. D'une culture inférieure, en possession d'une technique rudimentaire, le peuple, comme un immense troupeau, paissait les vastes zones inarticulées de la Russie. Deux guerres perdues — la russo-japonaise et la première mondiale — la corruption et le favoritisme autour de la médiocrité des politiciens patronnés para la tzarine, furent les facteurs qui permirent à une minorité audacieuse et convaincue, dirigée par un homme qui savait ce qu'il voulait — Lénine — de monter à l'assaut du pouvoir, en étouffant l'anarchie démocratique et le doctrinarisme creux d'un Kerenski. Mais, si Lénine était sincèrement, intégralement et fanatiquement marxiste, son réalisme le porta bien vite, par-dessus les utopies, sur les sentiers que lui ouvraient son instinct d'animal reévolutionnaire et son sens du gouvernement. De là l'essai et l'établissement de la nouvelle économie (la Nep), saluée, avec un optimisme hâtif, par le capitalisme occidental comme une rectification de la trajectoire communiste, pendant que lui la qualifiait simplement de saut en arrière, pour en mieux faire deux en avant, car il n'entendait point renoncer à son idéal. A sa mort, la lutte entre Trotsky, le plus intellectuel et le plus brillant des hommes de la Révolution, et Staline, le camarade vaillante et obscur de la minorité, se résoud en faveur de ce dernier, qui implante la plus inflexible des dictatutres; et c'en est fait désormais de l'idéalisme. L'unique finalité devient le pouvoir et l'expansion.
Serrano Suñer, Ramón. Entre les Pyrenées et Gibraltar: Notes et réflexions sur la politique espagnole depuis 1936. Traduit de l'espagnol par un ami de l'auteur. (Bibliothèque du Cheval Ailé). Geneva: Constant Bourquin – Les Éditions du Cheval Ailé, 1947.* (Cover: Entre les Pyrenées et Gibraltar: Dix ans de politique espagnole. Par Serrano Suñer – Ancien ministre des Affaires étrangères d'Espagne) - p. 330.
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