Une Vie, une œuvre : Arthur Schopenhauer, franc-tireur de la philosophie

Schopenhauer, franc-tireur de la philosophie. Émission diffusée pour la première fois sur France Culture le 25.05.1988 et rediffusée le 25.08.1998. Bouddhiste allemand, célibataire, misogyne, irresponsable politique, nihiliste, misanthrope ... Schopenhauer est célèbre, et les anecdotes qui fixent son image nombreuses : démêlés avec une couturière - mère "bas-bleu" et sans gêne - rivalité avec un Hegel omniprésent avec des cours aux même heures que ceux du Maître devant un écuyer, un dentiste, un commandant en retraite - pratique de la flûte, tous les jours avant le déjeuner ... Il a fait fuir les éditeurs, il n'attire guère les nouveaux pessimistes déçus par l'histoire et les idéologies, il continue de rebuter les professeurs de philosophie, et s'il a été autrefois le maître de vie des jeunes gens, il est rarement programmé aujourd'hui au baccalauréat ou à l'agrégation. Difficile pourtant d'ignorer, derrière Niezsche, Heidegger, Sartre, l'ombre de Schopenhauer. Seulement voilà : l'auteur du "Monde comme volonté et comme représentation" se tient en dehors des raffinements conceptuels, et c'est l'extrême simplicité de sa doctrine qui a suscité les résistances des philosophes professionnels. Pour Schopenhauer en effet, à l'origine de tout, il y a le "vouloir-vivre", poudroiement de désirs inassouvis. Le monde, où règne souffrance et cruauté, n'est que la représentation de la volonté, le plaisir se définissant comme l'interruption de souffrance. Que Freud ait lu Schopenhauer ne fait pas de doute : à travers le bouleversement introduit par le solitaire de Francfort dans notre conception de l'humanité, ce sont les questions du manque, du refoulement, des impressions de la petite enfance, de la force du rêve comme lieu du désir, qui se sont mises en place. Même si le concept central du "vouloir-vivre" est d'essence métaphysique et non pas psychanalytique. Le pessimisme de cette conception de la vie, soutenu contre toute forme d'intellectualisme, a fasciné les artistes et les écrivains, de Thomas Mann à Tolstoï, Hermann Hesse, Maupassant Zola, Proust, Gide. Et l'on retrouve sans peine l'influence de celui qui a accordé à la musique le privilège d'exprimer l'essence même de la volonté souffrante chez des compositeurs comme Wagner, mais aussi Malher, Richard Strauss ou Schönberg.

Intervenants : Klaus Stichweb, Christian Jambet, Anne Henry, Francis Claudon, Thomas Baumeister, Jacques Laurent Assoun.

—oOo—