En "Fonction et champ de la parole et du langage", Points,179-81:
La forme sous laquelle le langage s'exprime, définit par elle-même la subjectivité. Il dit: "Tu iras par ici, et quand tu verras ceci, tu prendras par là." Autrement dit, il se réfère au discours de l'autre. Il est enveloppé comme tel dans la plus haute fonction de la parole, pour autant qu'elle engage son auteur en investissant son destinataire d'une réalité nouvelle, par exemple quand d'un: "Tu es ma femme", un sujet se scelle d'être l'homme du coniungo.
Telle est en effet la forme essentielle dont toute parole humaine dérive plutôt qu'elle n'y arrive.
D'où le paradoxe dont un de nos auditeurs les plus aigus a cru pouvoir nous opposer la remarque, lorsque nous avons commencé à faire connaître nos vues sur l'analyse en tant que dialectique, et qu'il a formulé ainsi: le langage humain constituerait donc une communication ou l'émetteur reçoit du récepteur son propre message sous une forme inversée, formule que nous n'avons eu qu'à reprendre de la bouche de l'objecteur pour y reconnaître la frappe de notre propre pensée, à savoir que la parole inclut toujours subjectivement sa réponse, que le "Tu ne chercherais pas si tu ne m'avais trouvé" ne fait qu'homologuer cette vérité, et que c'est la raison pourquoi dans le refus paranoïaque de la reconnaissance, c'est sous la forme d'une verbalisation négative que l'inavouable sentiment vient à surgir dans l'"interprétation" persécutive.
Aussi bien quand vous vous applaudissez d'avoir rencontré quelqu'un qui parle le même langage que vous, ne voulez-vous pas dire que vous vous rencontrez avec lui dans le discours de tous, mais que vous lui êtes uni par une parole particulière.
On voit donc l'antinomie immanente aux relations de la parole et du langage. A mesure que le langage devient plus fonctionnel, il est rendu impropre à la parole, et à nous devenir trop particulier il perd sa fonction de langage.
On sait l'usage qui est fait dans les traditions primitives, des noms secrets où le sujet identifie sa personne ou ses dieux jusqu'à ce point que les révéler, c'est se perdre ou les trahir, et les confidences de nos sujets, sinon nos propres souvenirs, nous apprennent qu¡il n'est pas rare que l'enfant retrouve spontanément la vertu de cet usage.
Finalement c'est à l'intersubjectivité du "nous" qu'il assume, que se mesure en un langage sa valeur de parole.
Par une antinomie inverse, on observe que plus l'office du langage se neutralise en se rapprochant de l'information, plus on lui impute de redondances. Cette notion de redondances a pris son départ de recherches d'autant plus précises qu'elles étaient plus intéressées, ayant reçu leur impulsion d'un problème d'économie portant sur les communications à longue distance et, notamment, sur la possibilité de faire voyager plusieurs conversations sur un seul fil téléphonique; on peut y constater qu'une part importante du médium phonétique est superflue pour que soit réalisée las communication effectivement cherchée.
Ceci est pour nous hautement instructif, car de qui est redondance pour l'information, c'est précisément ce qui, dans la parole, fait office de résonance.
Car la fonction du langage n'y est pas d'informer, mais d'évoquer.
Ce que je cherche dans la parole, c'est la réponse de l'autre. Ce qui me constitue comme sujet, c'est ma question. Pour me faire reconnaître de l'autre, je ne profère ce qui fut qu'en vue de ce qui sera. Pour le trouver, je l'appelle d'un nom qu'il doit assumer ou refuser pour me répondre.
Je m'indentifie dans le langage, mais seulement à m'y perdre comme un objet. Ce qui se réalise dans mon histoire, n'est pas le passé défini de ce qui fut, puisqu'il n'est pas, ni même le parfait de ce qui a été dans ce que je suis, mais le futur antérieur de ce que j'aurai été pour ce que je suis en train de devenir.
Notas sobre el dialogismo de Mijail Bajtin
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