sábado, 5 de marzo de 2011

Sémiologie du personnage littéraire

Notes extraites de l'article de  Philippe Hamon, "Pour un statut sémiologique du personnage." Deuxième version, parue dans Roland Barthes et al., Poétique du récit (Paris: Editions du Seuil, 1977). 115-180. (En español aquí).
 



 

 

 

 Pour un statut sémiologique du personnage

Selon Genette, la psychologie est dans le texte, dans les conditions du vraisemblable de l'époque, et non pas dans "le personnnage". Cependant, les modèles psychologiques ("character") et dramatiques des personnages restent prédominants. La psychanalyse renforce cela. Le psychologisme appliqué aux personnages n'a pas de fondement. Une analyse structurelle du personnage peut seulement se poser dans une sémiologie plus dévelopée que l'actuelle.

Le personnage n'est pas une notion nécessairement littéraire ni anthropomorphique; il est autant une reconstruction du lecteur qu'une construction du texte. Mais la sémiologie n'explique pas tout: il y a ausi le jeu à part de la communication. En plus, chaque texte a sa propre "grammaire". Il y a de différents niveaux aussi qui doivent être considérés: Napoléon n'est pas le même chez Tolstoï.

On peut distinguer trois types de signes: référentiels, déictiques (comme les embrayeurs) et anaphoriques (ceux qui renvoient à l'énoncé, au texte même). Également, on peut distinguer:

-      Des personnages référentiels: historiques, mythologiques, ou sociaux… par exemple des types, comme "l'ouvrier"). Ils renvoient à un sens culturel, et il produisent un "effet de réel" quand ils sont reconnus.

-      Des personnages-embrayeurs: des porteparole, des chœurs, des interlocuteurs socratiques, des bavardes, etc.

-      Des personnages-anaphore. Ce sont des signes mnémotechniques pour le lecteur. Ils sont prédicteurs, ou bien ils ont une mémoire, etc. (Les informateurs de Propp). Ce sont des éléments à fonction organisatrice et cohésive.

Un personnage donné peut être polyvalent.

124- Hamon définit le personnage, du poit de vue sémiologique, comme un morphème doublement articulé, migratoire, manifesté par un signifiant discontinu (constitué par un certain nombre de marques) renvoyant à un signifié discontinu (le "sens" ou la "valeur" d'un personnage): il sera donc défini par un faisceau de relations de ressemblance, d'opposition, de hiérarchie et d'ordonnancement (sa distribution) qu'il contracte sur le plan du signifiant et du signifié, successivement ou/et simultanément, avec les autres personnages et éléments de l'œuvre, cela en contexte proche (les autres personnages du même roman, de la même œuvre) ou en contexte lointain (in absentia: les personnages du même genre).

1.   Le signifié du personnage

Le personnage peut être considéré, suivant l'approche sémiologique de Jakobson, comme un faisceau d'éléments différentiels. Il se construit, ne se reconnaît pas (Lévi-Strauss); selon Todorov, c'est une "forme vide que viennent remplir les différents prédicats (verbes ou attributs)" par un effet cumulatif du texte. Les réferences historiques ou géographiques son reconnues et comprises à la fois, donnant lieu à un effet de réel, à un soulignement du destin (connu d'avance) et à un condensement de rôles stéréotypés.

Chaque œuvre oppose ses personnages selon des traits distinctifs: certains ont plus d'importance que d'autres (ils opposent tous les personnages). On peut classifier et opposer les personnages selon le nombre de traits qui leur sont appliqués: aussi selon les fonctions qu'ils assument. Chaque trait est analysable à son tour: le sexe n'est pas simplement masculin et féminin: aussi non sexué, non féminin, etc. Cette information peut venir du personnage ou d'un autre. L'information peut être presentée comme qualification, virtualité ou action.

Problèmes pour l'analyse:
a)   Réperer les axes sémantiques, et les traits pertinents à leur intérieur.
b)   Classer les axes et traits en fonction de leur "rendement" narratif.
c)   Étudier les changements et influences mutuelles des traits au cours d'un récit.
d)   Étudier les faisceaux stéréotypés de traits que se forment et répétent.


2.   Les niveaux de description du personnage

Comme les autres signes, un personnage est composant et composé: il fonctionne dans une unité plus large. L'actant est une classe d'acteurs, de personnages, définie par un groupe permanent de fonctions et de qualifications original et par sa distribution le long d'un récit. L'actant ne coïncide pas avec l'acteur, il peut avoir des syncrétismes, selon la description de Greimas. Il faut classifier les acteurs et les actants. Descriptions comme des actants collectifs.

Par exemple, un contrat:

(1)  Mandement: le Destinateur propose un Objet à un Destinataire.
(2)  Acceptation ou Réfus
(3)  (Si acceptation): Transfert de vouloir: Le Destinataire devient un sujet virtuel.
(4)  Réalisation (ou non) du programme (le sujet devient réel).

Le lecteur peut situer un personnage et prévoir certains déroulements-types (lisibilité du texte). Le texte est plus lisible si les personnages sont très configurés (typiques).

Le personnage est défini:

1)   Par son mode de relation avec les fonctions qu'il prend en charge.
2)   Par son intégration particulère (isomorphisme, démultiplication, syncrétisme).
3)   Par son mode de relation avec d'autres actants
4)   Par sa relation à une série de modalités (vouloir, savoir, pouvoir) et leur ordre d'acquisition.
5)   Par sa distribution au sein d'un récit
6)   Par le faisceau de qualifications et des rôles dont il est le support (spécialisation, etc.).

3.   Le signifiant du personnage

Le signifiant du personnage est discontinu. L'étiquette du récit classique à la troisième personne est caracterisée par l'usage du nom propre, la récurrence, la stabilité, la richesse et la motivation des signifiants. Le texte moderne par contre est caractérisé par l'instabilité du personnage (chez Beckett, ou Robbe-Grillet). Un exemple de la richesse du signifiant: "il / Julien Sorel / notre héros / le jeune homme…) à la fois homogène et riche. Le personnage est un système d'équivalences réglées destiné à assurer la lisibilité du texte. Mais il est une construction du texte: le nom propre, le "vide sémantique", est rempli par des définitions, descriptions, etc. Il faut étudier la distribution d'un nom ou un autre selon le contexte, le point de vue, etc. Il y a un jeu avec les systèmes d'équivalences grammaticales et leur ordre.

4. (Les noms)

Différents degrés d'arbitraire du signe. Les noms des personnages ne sont pas gratuits: il peuvent signaler un sens allégorique, un type, une onomatopée… La motivation du nom peut être
a) visuelle. Un nom avec un O peut désigner un type gros.
b) acoustique
c) articulatoire (t+k = un coup)
d) morphologique (dérivations…)

Ces noms sont des condensés de programmes narratifs. Mais parfois les pistes peuvent être déceptives (p. ex., une "Albine" impure).


5.

Tout signe se définit par ses restrictions sélectives: linguistiques, logiques, esthétiques, ou idéologiques.

Le "héros" se définit par des considérations esthétiques et idéologiques. La perception du héros dépend du mode de présentation du texte, mais aussi de l'univers culturel du lecteur. On peut dire qu'un texte est lisible (pour telle société à telle époque donnée) qund il y aura coïncidence entre le héros et un espace moral valorisé reconnu et admis par le lecteur.

153- Le héros a une qualification, une distribution et une fonctionnalité différentielles:

a)   (Qualification): Le personnage sert de support à un certain nombre de qualifications que ne possèdent pas, ou que possèdent à un degré moindre, les autres personnages de l'œuvre.

b)   (Distribution): apparition des personnages aux moments marqués ou non marqués; apparition fréquente ou pas.

c)   (Combinaison): Le héros peut être combiné avec n'importe quel autre personnage, ou apparaître seul.

d)   Fonctionnalité différentielle: Le héros est un médiateur, il fait, il agit, il vainct, il est glorifié, il sait, il participe à un contrat qui le pose en relation à la fin du récit. Le héros, cependant, peut être aussi n'importe quel actant.

e)   Il a aussi une prédesignation conventionnelle. Chaque genre a son héros, désigné avec des marques…

6.

Le héros peut être désigné par un commentaire explicite. Pour Lukács, il faut avoir un héros:

"Toute œuvre dont la composition est vraiment serrée contient une (…) hiérarchie. L'écrivain confère à ses personnages un 'rang' déterminé, dans la mesure où il en fait des personnages principaux ou des figures épisodiques. Et cette nécessité formelle est si forte que le lecteur cherche instinctivement cette hiérarchie" (Lukács, Problèmes du réalisme, Paris, 1975, p. 40).

7.

161-162 -"Tout énoncé se caractérise par la redondance des marques grammaticales". "Sur le plan du signifié, l'œuvre (…) va employer toute une série de procédés émergents pour renforcer l'information véhiculée par et pour les personnages, que sonte les supports de la conservation et de la transformation du sens. C'est ce que les formalistes russes appellaient les procédés de 'caractérisation indirecte'."

Le nom propre du personnage, la description du décor, les signes du personnage sont "en accord" (par métonymie). On penserait que ce procédé n'est pas commun dans les auteurs réalistes, mais voir Propp 107: l'habitat est pour lui un attribut du personnage.

Selon Jakobson "l'auteur réaliste opère des digressions métonimiques de l'intrigue à l'atmosphère et des personnages au cadre spatio-temporel. Il est friand de détails synecdochiques" (Essais de linguistique générale, Paris: Minuit,, p. 63).

Pour Wellek et Warren, "le décor, c'est le milieu, et tout milieu, notamment un intérieur domestique, peut être considéré comme l'expression métonymique ou métaphorique du personnage" (La Théorie littéraire, Paris: Seuil, 1971, p. 309).

La description opère comme un actant collectif. Il faut étudier ses relations avec la narration. (Voir l'article de Philippe Hamon, "Qu'est-ce qu'une description?" Poétique 12 (1972).)  Selon Bremond, il est presque toujours possible de convertir les descriptions en propositions dont le véritable sujet (du point de vue narratif) est une personne. On peut parler d'un anthropocentrisme du récit, d'une circulation romantique entre description et narration. L'information sur les personnages se déterminera indirectement. C'est d'ailleurs une doctrine naturaliste: pour Zola, un personnage est "un organisme complexe qui fonctionne sous l'influence d'un certain milieu." Détermination du personnage par le milieu:

-      Description de ses vêtements, etc.
-      Objets auxiliaires comme concrétisation de certaines de ses qualités (la massue d'Hercule, etc.)
-      Référence à des histoires connues – qui peuvent servir pour la détermination de leur destin.
-      Le texte se répète soi-même, "en abîme", lorsqu'une séquence particulière reproduit le schéma global du récit, ou quand il y a un tableau, une image que fonctionne comme un symbole réduplicateur.
-      Le personnage est aussi caractérisé par ses actions réiteratives non fonctionnelles.


Certains types de relations sont préférés dans certains textes; aussi, l'information peut être unique ou reiterée.

En somme, le récit est construit de signes dont on peut décrire la distribution, combinaison, opposition… et le personnage a donc une dimension, voire une constitution, sémiologique.



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