domingo, 19 de septiembre de 2021

La peur d'oublier les choses importantes

 Philosophie Magazine: L'étrange logique de la mémoire (Mars 2019): 62.

Raphaël Enthoven écrit sur Proust, "Le goût de la madeleine" etc. —

Pourquoi a-t-on peur d'oublier les choses importantes?

L'extrait de Proust, Albertine disparue:

"Je n'avais plus qu'un espoir pour l'avenir—espoir bien plus déchirant qu'une crainte,—c'était d'oublier Albertine. Je savais que je l'oublierais un jour, j'avais bien oublié Gilberte, Mme de Guermantes, j'avais bien oublié ma grand'mère. Et c'est notre plus juste et plus cruel châtiment de l'oubli si total, paisible comme ceux des cimetières, par quoi nous nous sommes détachés deceux que nous n'aimons plus, que nous entrevoyions ce même oubli comme inévitable à l'égard de ceux que nous aimons encore. À vrai dire nous savons qu'il est un etat non douloureux, un état d'indifférence. Mais ne pouvant pensar à la fois à ce que j'étais et à ce que je serais, je pensais avec désespoir à tout ce tégument de caresses, de baisers, de someils amis, dont il faudrait bientPot me laisser dépouiller pour jamais."

Le commentaire de Raphaël Enthoven:

Quand Albertine disparaît, l'immense tristesse du Narrateur est accrue par la perspective qu'un jour ce qui le chagrine ne l'attristera plus. Son deuil s'augmente de la certitude q'un jour, il cessera de souffrir. Car le deuil est une chose, mais le deuil du deuil... l'inévitable oubli qui vient après le chagrin... Nietzsche appelle ça la "nostalgie de l'avenir". La seconde mort des choses qui, malgré nos cicatrices, retombent immanquablement dans la longue série des tragédies oubliées. Ce passage-là est très important parce qu'il donne la raison d'être de la littérature: conjurer l'amnésie des chagrins qu'on a eus. Or un chagrin n'est mortel que si le cœur qui l'éprouve ne parvient pas à l'extraire pour l'enserrer dans les anneaux d'un beau style. 

Il faut savoir qu'on oubliera mais trouver un moyen de maintenir vivant ce qu'on a peur de voir disparaître.

 

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